APRÈS LE CANCER

Quelques ressources bibliographiques sur l’après cancer par d’anciens patients pour préparer le débat du 13 avril.

Santé mentale

La santé mentale des patients atteints de cancer constitue un élément clé tant dans la phase de soins que dans celle de l’après traitement dont on sait qu’il peut s’agir d’une période aussi complexe que celle de la phase « active ». Il a été choisi de présenter les différents indicateurs de santé mentale recueillis dans l’enquête de façon plus agrégée afin notamment de mieux appréhender le profil des personnes concernées par la diversité des situations que recouvre le champ de la santé mentale.

Un tiers des personnes présentent une altération persistante de la qualité de vie mentale.

On observe que 32,5 % des participants rapportent sa dégradation. La déclinaison par localisation montre de grandes différences, en défaveur des cancers du col de l’utérus, des VADS, et de la thyroïde. Ceci étant, la comparaison entre la situation à 2 ans puis à 5 ans du diagnostic ne montre pas de dégradation supplémentaire significative de la qualité de vie mentale (le taux de dégradation était de 32,8 % à deux ans).

Des profils différenciés

Combinée à la qualité de vie mentale, la mesure de l’anxiété et de la dépression ont permis de proposer une typologie des personnes sur la base de ces trois critères (qualité de vie mentale, anxiété et dépression).

On peut ainsi observer cinq grands profils répartis comme suit :

  • Près de la moitié de la population, soit 49,3 % de l’échantillon ne rapporte ni troubles anxieux ni troubles dépressifs. Ce groupe décrit majoritairement une qualité de vie mentale comparable à celle de la population générale (87,1 % d’entre eux) ;
  • Un deuxième groupe de personnes représente près de 20 % de l’échantillon (19,6 %) caractérisé par la présence de troubles anxieux suspectés, sans troubles dépressifs : parmi eux 29,7 % rapportent une qualité de vie mentale dégradée.
  • Un troisième groupe rassemble 14,0 % de l’échantillon et se caractérise par des troubles anxieux certains, mais pas de troubles dépressifs et pour 56,3 % une qualité de vie mentale dégradée.
  • Le quatrième groupe qui rassemble 10,5 % des participants se caractérise par des troubles dépressifs limites, des troubles anxieux pour la majorité et une qualité de vie mentale dégradée chez près de 2 personnes sur 3 (61,9 %).
  • Enfin, un dernier profil rassemble les 6,6 % de personnes, qui ont des troubles dépressifs certains, des troubles anxieux dans la majorité des cas (86,5 % des cas, dont 62,0 % des troubles certains) et une qualité de vie mentale dégradée dans la grande majorité des cas (81,3 %).

L’association de divers indicateurs de santé mentale souligne l’effet majeur des vulnérabilités sociales mais aussi du vécu à long terme de la maladie ainsi que la surreprésentation de certaines localisations telles que la thyroïde et les VADS.

Patricia Marino, économiste de la santé à l’Institut Paoli-Calmettes (Inserm – Aix Marseille Université)

Développement post-traumatique et image du corps

Les changements objectifs et subjectifs consécutifs à un diagnostic de cancer projettent les individus touchés dans un univers instable où la recherche de sens à ce qui leur arrive est toujours présente. Utilisé afin d’appréhender plus précisément les processus qui permettent de s’adapter au cancer, le concept de développement post-traumatique (DPT) se définit comme un changement positif (par rapport au niveau antérieur de fonctionnement) à la suite d’un événement traumatique. Sans qu’il s’agisse d’une réaction systématique après un stress et sans nier l’existence des effets négatifs liés à ces événements (tels que dépression, anxiété), le DPT constitue un outil théorique pertinent pour appréhender l’adaptation des personnes à la situation de maladie et à de potentiels bénéfices. Ainsi, considérer le fait de mieux profiter de la vie, de davantage relativiser certaines difficultés quotidiennes peuvent être considérés comme des changements positifs post-cancer.

Par ailleurs, parmi les différents enjeux du vécu d’un cancer, l’image du corps peut être particulièrement perturbée. Le cancer et ses traitements sont en effet susceptibles d’affecter très largement une ou plusieurs parties du corps. En ce sens, qu’il s’agisse d’un stigmate visible ou invisible de la maladie, l’image du corps peut être altérée et impacter l’estime de soi ou la qualité de vie des personnes. En outre, le fait d’avoir une image dégradée de son corps peut aussi représenter un frein au DPT positif et ainsi constituer une barrière aux compétences d’adaptation à la situation.

Cinq ans après le diagnostic, nous observons un DPT positif plus important chez les personnes jeunes, les femmes et chez les personnes ayant des enfants à charge. Il ne semble par contre pas en lien avec les vulnérabilités sociales.

On observe également un impact perçu de la maladie sur l’image du corps quelles que soient les localisations, mais plus important chez les personnes atteintes de cancers des VADS et de cancers du col de l’utérus. L’altération de l’image du corps est également plus importante chez les femmes et chez les plus jeunes.

Patricia Marino, économiste de la santé à l’Institut Paoli-Calmettes (Inserm – Aix Marseille Université)

Trajectoires professionnelles après un diagnostic de cancer

Plus d’une personne sur quatre (28,1 %) en emploi au diagnostic l’a quitté (volontairement ou non) au cours des cinq années suivantes. En moyenne, le temps écoulé entre le diagnostic et la fin de l’emploi occupé à ce moment-là est de deux ans.

Parmi ceux qui étaient au chômage ou en inactivité au moment du diagnostic, seuls 29,9% des individus ont occupé un emploi au cours des cinq années suivantes. Le temps moyen entre le diagnostic et le début de cet emploi est de deux ans et demi (30 mois) ; la moitié d’entre eux avait trouvé un emploi au bout de 26 mois.

Parmi les personnes en emploi au diagnostic, plus de la moitié (54,5 %) a conservé l’emploi occupé au diagnostic au cours des cinq années suivantes, 17,4 % ont changé d’emploi, 5,9 % sont passés au chômage à l’issue de ces cinq ans, 7,5 % en invalidité, 13,0 % en retraite et 1,7 % en inactivité autre que la retraite.

Les personnes ayant un risque majoré de quitter l’emploi occupé au moment du diagnostic sont les personnes réputées par ailleurs les plus vulnérables sur le marché du travail : les moins de 40 ans, les 50 ans et plus, celles ayant un niveau d’études inférieur au baccalauréat, un contrat de travail précaire au moment du diagnostic ainsi que les personnes présentant des comorbidités ou qui ont connu au moins un épisode d’évolution péjorative du cancer.

Patricia Marino, économiste de la santé à l’Institut Paoli-Calmettes (Inserm – Aix Marseille Université)

Situation professionnelle cinq ans après un diagnostic de cancer

Une situation professionnelle globalement dégradée cinq ans après un diagnostic de cancer : une personne sur cinq âgée entre 18 et 54 ans et en emploi au moment du diagnostic ne l’est plus cinq ans après

En 2010, seule une personne sur huit ne travaillait pas au moment du diagnostic du cancer, contre une personne sur quatre, cinq ans plus tard. Le taux d’emploi a baissé de 11 points (de 87,3 % à 75,9 %) tandis que le taux de chômage a augmenté de 2 points et le taux d’invalidité de 8,5 points. La sortie de l’emploi constatée à cinq ans du diagnostic a majoritairement eu lieu au cours des deux dernières années, mettant en évidence un effet à moyen terme de la maladie. Les résultats de ce chapitre doivent être interprétés avec précaution ; l’absence de population de référence limite l’interprétation des associations de facteurs (l’effet causal de la maladie sur la vie professionnelle ne pouvant être évalué directement).

Cette dégradation est socialement différenciée

Comme observé à deux ans du diagnostic (cf. VICAN2), la perte d’emploi à cinq ans touche davantage les moins diplômés, les moins de 40 ans et les plus de 50 ans, ceux qui exercent un métier dit d’exécution (ouvriers, employés) et ceux qui ont un contrat de travail précaire.

Les travailleurs indépendants plus fréquemment en emploi cinq ans après le diagnostic que les salariés

Les travailleurs indépendants ont une probabilité de ne plus être en emploi cinq ans après le diagnostic de cancer qui est minorée de 7,4 % par rapport aux travailleurs salariés. Les ressources financières sont un facteur de sortie d’emploi à cinq ans spécifique à cette catégorie professionnelle : plus la rémunération au diagnostic est élevée, plus la probabilité de ne plus être en emploi cinq ans après est forte.

Patricia Marino, économiste de la santé à l’Institut Paoli-Calmettes (Inserm – Aix Marseille Université)